« Notre premier échec est de ne pas essayer »
Luca Lazylegz Patuelli

« Notre premier échec est de ne pas essayer »

La Presse – 3 juin 2025 – Lettre ouverte – Luca Lazylegz Patuelli – Chorégraphe, danseur, conférencier, auteur et papa –

Dialogue offre un espace à une personnalité pour lui permettre de présenter sa façon de voir le monde. Aujourd’hui, en pleine Semaine québécoise des personnes handicapées, le danseur Luca Patuelli raconte comment il a surmonté de nombreux obstacles pour se définir lui-même.

Lorsque les gens me voient danser pour la première fois, ils sont souvent surpris. Je ne bouge pas comme la plupart des danseurs. C’est parce que je n’ai jamais eu la possibilité de suivre le chemin habituel.

Je suis né avec l’arthrogrypose, une maladie neuromusculaire qui affecte les os, les articulations et les muscles de mes jambes. Mais là où d’autres verraient un obstacle, j’ai toujours essayé de voir la possibilité de bouger et de penser différemment et de vivre : pas d’excuses, pas de limites.

J’ai toujours été un enfant actif, mais je devais participer à ma façon. Lorsque j’ai découvert la danse à l’adolescence, j’ai été attiré par la musique, l’énergie et le sens de l’expression qu’elle offrait. Cependant, il est apparu très vite que les mouvements de base ne convenaient pas à mon corps. J’ai donc fait ce que j’ai toujours fait : je me suis adapté.

J’ai utilisé la force de mes bras et j’ai transformé mes béquilles en extensions de mon corps. C’est ainsi que mon style de danse est né, non pas de l’imitation, mais de l’innovation.

Mais l’adaptation ne vient pas seulement de moi. Elle provient de l’éducation transmise par mes parents dès le premier jour. Ils ne m’ont jamais fait sentir que j’étais inférieur. Ils ne m’ont pas non plus mis à l’abri des difficultés. Au contraire, ils m’ont inculqué l’une des leçons les plus importantes que j’aie jamais apprises : « Notre premier échec est de ne pas essayer. »

Cette phrase m’a façonné. Qu’il s’agisse de subir des interventions chirurgicales, d’être exclu du sport ou d’être victime d’intimidation, je savais que j’avais deux choix : laisser le monde définir mes incapacités ou les définir moi-même. J’ai choisi le second.

Pour la prochaine génération

Aujourd’hui, je suis fier d’être danseur professionnel, conférencier, fondateur de ILL-Abilities™ et père de deux magnifiques enfants, Aura Isabella et Luna Valentina. Mes filles me donnent de l’énergie et un but. Elles me rappellent que ce travail – les efforts de sensibilisation, la créativité et l’engagement à construire un monde plus inclusif – ne concerne pas que moi. Il s’agit également de la prochaine génération.

La Semaine québécoise des personnes handicapées est un moment privilégié pour reconnaître la force et le potentiel des personnes handicapées. Mais ce travail ne peut s’arrêter après une semaine. Encore aujourd’hui, de nombreuses personnes handicapées se sentent invisibles – sous-représentées dans les écoles, les emplois, les médias et les arts. Les obstacles ne sont pas seulement physiques, ils sont aussi sociaux, émotionnels et systémiques.

Et il ne faut pas oublier que lorsque nous nous concentrons uniquement sur ce qui rend quelqu’un différent, nous ne voyons souvent pas tout son potentiel. Nous enfermons les gens dans nos idées préconçues, au lieu de faire de la place pour ce dont ils sont vraiment capables. Et c’est une perte pour nous tous.

La création d’une société inclusive n’est pas la responsabilité d’un seul groupe. C’est un engagement collectif.

La communauté des personnes handicapées doit continuer à défendre ses intérêts, à innover et à se soutenir mutuellement. Mais il ne s’agit pas seulement d’un travail pour les institutions ou les employeurs, c’est aussi une chose à laquelle nous, en tant que membres de la communauté des personnes handicapées, devons participer. Nous devons rester ouverts, nous exprimer, faire partager nos réalités et écouter les autres afin de trouver des solutions ensemble. L’inclusion réelle est une conversation qui va dans les deux sens. Elle nécessite une collaboration, une confiance et une volonté d’adaptation de la part des deux parties.

Cela peut signifier repenser la structure des espaces publics, des lieux de travail, des écoles et des cours de danse. Il faudra peut-être changer nos attitudes quant à la signification réelle du terme « capacité ». Ensemble, nous pouvons créer un espace où chacun a sa place.

J’ai eu la chance de présenter le message « Pas d’excuses, pas de limites » à des publics du monde entier, et ce qui m’a le plus marqué, c’est de voir à quel point il trouve un écho chez tout le monde. Lorsque les gens commencent à comprendre que le handicap n’est pas seulement une incapacité, mais une façon différente de bouger, de penser et de vivre, quelque chose change. Ils commencent à voir que l’adaptation n’est pas seulement un outil pour ceux qui ont des défis visibles – c’est un état d’esprit qui peut donner du pouvoir à n’importe qui. Qu’il s’agisse d’un obstacle physique, d’un revers personnel ou de la peur de ne pas entrer dans le moule, ce message nous rappelle qu’il y a toujours une autre façon d’avancer. Vous n’êtes pas obligé de faire les choses comme tout le monde, vous pouvez les faire à votre façon. C’est de là que naissent la créativité, la confiance et la liberté véritable d’être soi.

C’est ainsi que nous commençons à changer les perspectives, non seulement dans la vie des personnes handicapées, mais aussi dans la société dans son ensemble.

Alors, à toutes celles et à tous ceux qui se sont déjà sentis exclus, je vous vois. Vous avez votre place. Vous avez quelque chose de puissant à apporter à ce monde.

Et à ceux qui se demandent comment les aider : écoutez, soyez inclusifs, adaptez-vous. Faites partie du mouvement.

Pas d’excuses. Pas de limites. Juste des possibilités. Pas seulement cette semaine, mais chaque jour.

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