Le Devoir – 25 juin 2025 – Lettre ouverte – Dominique Salgado – Directeur général du Comité d’action des personnes vivant des situations de handicap (CAPVISH) –
Chaque année, le 1er juillet, le Québec vit son grand « festival du déménagement », une tradition folklorique devenue cauchemar pour des milliers de ménages. Mais pour les personnes en situation de handicap, cette journée est bien plus qu’un défi logistique : c’est un rappel brutal qu’elles sont systématiquement ignorées, oubliées, sacrifiées par un marché de l’habitation profondément excluant.
Saviez-vous que seulement de 1 % à 2 % des logements vacants sont réellement accessibles et adaptés aux personnes ayant une déficience motrice ou sensorielle ? En pleine crise du logement, ce chiffre devrait sonner l’alarme partout. Pourtant, le silence est assourdissant.
On parle — et avec raison — des hausses abusives de loyers, de la pénurie de logements sociaux, de l’éviction des locataires vulnérables. Mais rarement, très rarement, le sort des personnes handicapées est au cœur des débats.
Ces personnes vivent piégées dans des logements non adaptés, dangereux, où chaque déplacement est un risque de chute, chaque escalier, une barrière, chaque salle de bain, un champ de mines.
C’est une crise permanente. Une urgence chronique. Un scandale étouffé. En 2025, au Québec, une société qui se prétend progressiste, inclusive, humaine, comment peut-on encore tolérer que des êtres humains vivent ainsi prisonniers chez eux ? Ajoutez à cela le vieillissement rapide de la population : ce problème, ignoré aujourd’hui, explosera demain.
Il faut agir maintenant. Exiger des quotas de logements accessibles dans chaque projet résidentiel. Mettre en place des subventions massives à la rénovation pour adapter les logements existants. Obliger les municipalités à cartographier et à publier les logements accessibles. Créer un registre centralisé, public et transparent.
L’inaction n’est plus une option. Ce n’est pas un luxe, c’est un droit. Un logement digne, accessible et sécuritaire, c’est la base.
Le 1er juillet, pendant que des milliers de camions sillonnent les rues, pensons à ceux qui n’ont même pas le luxe de déménager.
Parce qu’un logement inaccessible, c’est une société qui ferme la porte.